Tribune : Nous appelons au sursaut avant le passage du projet de loi sur l’immigration à l’Assemblée nationale
Malgré la mobilisation des associations et des collectifs de premiers concernés, ainsi que notre propre mobilisation auprès des sénateurs, le sénat a durci le projet de loi asile migration en adoptant en séance, lundi 6 novembre, différents amendements, en particulier un amendement supprimant l’Aide médicale d’État (AME).
Le Secours Catholique de Paris s'est portée signataire d'une tribune appelant à un sursaut collectif, initiée par le Pacte du Pouvoir de Vivre et parue dans le journal Le Monde du 15 Novembre. En voici le texte :
"Stop ! Depuis plusieurs années, nous assistons à une offensive politique et médiatique contre la présence de personnes étrangères dans notre pays. Cette offensive est inédite par son ampleur et sa violence, et vient, en multipliant les amalgames et représentations fantasmées, nourrir le racisme et la xénophobie, tout en divisant dangereusement notre société.
Un nouveau palier a été franchi avec l’introduction du projet de loi Immigration en séance publique au Sénat. De manière totalement décomplexée, les sénateurs LR ont multiplié les outrances et les propos caricaturaux sur l’immigration et les exilés. Et ce avec la caution parfois active du gouvernement.
La plupart des amendements votés au Sénat ne visent qu’à exclure et rendre encore plus difficile le parcours des personnes immigrés sur le territoire, en les considérant illégitimes par nature. Ainsi, les mêmes responsables politiques qui dénoncent l’absence d’intégration des personnes migrantes sont ceux qui mettent tout en œuvre pour l’empêcher, via une batterie de mesures régressives plus stupéfiantes les unes que les autres : en durcissant les conditions d’accès à un titre de séjour ; en rendant encore plus difficile - via la suppression de l’AME - l’accès aux soins de première nécessité des étrangers en situation irrégulière ; en rendant quasi-inopérant le dispositif de régularisation par le travail ; en supprimant le droit aux prestations familiales, à l’allocation personnalisée d’autonomie ou le droit au logement opposable pour les étrangers résidant en France depuis moins de 5 ans (contre 6 mois aujourd’hui) ; en rétablissant le délit de séjour irrégulier ou encore en supprimant la perte d’automaticité de l’acquisition de la nationalité à 18 ans pour les personnes nées en France de parents étrangers.
Aux amendements du groupe LR s’ajoutent ceux du gouvernement qui a glissé dans le texte des mesures brutales non prévues dans le projet de loi initial. Ils constituent d’importants reculs pour le droit des étrangers et le droit d’asile : rétention administrative des demandeurs d’asile, restriction du champ de la réunification familiale pour les bénéficiaires d’une protection internationale, recul de l’intervention du juge des libertés à 4 jours (au lieu de 2) pour les personnes en rétention et limitation des possibilités de libération...
Soulignons que de nombreux autres sénateurs, mais de fait minoritaires, ont tenté malgré tout de sauver ce qui peut l’être en portant un discours raisonnable et humaniste. Nous leur en savons gré.
Reste néanmoins le bruit de fond assourdissant de discours et de mots qui franchissent les frontières de l’inacceptable tant ils bafouent les valeurs de la République. Des valeurs que les sénateurs LR sont pourtant très prompts à mettre en avant quand il s’agit des étrangers. Nous ne sommes plus dans le débat d’idées quand les digues et les consensus politiques et sociaux qui permettent un minimum de cohésion sociale et d’humanité sautent les uns après les autres. Récemment, les autorités françaises ont cherché à interdire les distributions alimentaires de rue dont bénéficient en grande majorité des personnes exilées dans le nord de Paris. Jusqu’où irons-nous ?
Cette semaine de débat au Sénat dit beaucoup de l’état de notre démocratie, alors même que les citoyens aspirent à davantage de cohésion sociale et d’apaisement. Nous ne sortirons pas indemnes de cette séquence qui pourrait avoir des conséquences dramatiques sur notre société toute entière si nous ne mettons pas un terme à ces dérives.
Nous, acteurs de la société civile membres du Pacte du Pouvoir de Vivre, sommes unis depuis près de 5 ans autour d’un socle de valeurs communes. Ces valeurs de justice sociale, d’égalité, de solidarité et de fraternité, sont les valeurs qui fondent notre République et qui charpentent nos engagements respectifs.
Elles devraient être également celles qui guident l’action de la représentation nationale.
Aussi, nous appelons au sursaut collectif avant le passage du projet de loi à l’Assemblée nationale. Nous demandons au gouvernement de donner le cap pour construire les bases d’une société fraternelle et aux députés de se tenir éloignés des dérives politiques et langagières de ces derniers jours."
Pour en savoir plus, consultez le site Internet du Pacte de Pouvoir de Vivre